Le 27 avril 1848, le gouvernement de la République française publie les décrets d'abolition immédiate de l'esclavage dans les colonies françaises.
En 1537, peu après son introduction dans les colonies des Amériques, l'esclavage avait été condamné par le pape Paul III mais les injonctions pontificales n'avaient pas eu plus de succès chez les planteurs d'Amérique qu'elles n'en ont aujourd'hui en matière de morale. C'est qu'à la Renaissance, la papauté n'avait déjà plus, comme au Moyen Âge, la capacité de faire fléchir les dirigeants chrétiens en agitant la menace de l'excommunication.
Sous la Révolution française, les députés de la Convention abolissent l'esclavage une première fois pour calmer la révolte des esclavesdans les colonies des Antilles et empêcher l'Angleterre de s'en emparer. Mais Napoléon Bonaparte abroge cette mesure le 20 mai 1802, sitôt acquise la paix avec l'Angleterre. Ce faisant, le Premier Consul répond à une demande du Sénat et cède à la pression de sa femme, Joséphine de Beauharnais, née Tascher de la Pagerie, originaire de la Martinique.
En 1833, l'esclavage est définitivement aboli dans les colonies britanniques sous la pression des sociétés philanthropiques d'inspiration chrétienne. La France attend l'avènement de la Deuxième République, quinze ans plus tard, pour suivre son exemple.
Le décret d'abolition est publié grâce à la ténacité de Victor Schoelcher (44 ans).
Ce riche philanthrope libéral et républicain est l'héritier d'une fabrique de porcelaine. Il est sous-secrétaire d'État à la Marine dans le gouvernement provisoire qui a pris les rênes du pouvoir après la fuite du roi Louis-Philippe 1er. De son administration dépendent les colonies.
Le ministre de la Marine, qui est le grand physicien et astronome François Arago (62 ans), soutient à fond son subordonné. Il appartient à l'extrême-gauche républicaine et dès 1840 s'est fait l'écho à la Chambre des députés des revendications sociales.
Tirant parti des bonnes dispositions des députés dans les premiers mois qui suivent l'avènement de la République, Victor Schoelcher et François Arago libèrent ainsi par décret 250.000 esclaves noirs ou métis aux Antilles, à la Réunion comme à Saint-Louis du Sénégal.
Le décret, qui prévoit l'abolition dans un délai de deux mois, arrive dans les colonies quatre à cinq semaines plus tard. Mais sur place, les gouvernants des colonies et les planteurs ont en général pris les devants. La plupart des Blancs ont compris depuis longtemps que l'abolition était devenue inéluctable et s'y étaient préparés en multipliant les affranchissements..
À leur manière, les esclaves ont aussi accéléré le mouvement. À Saint-Pierre, en Martinique, une insurrection a éclaté le 22 mai 1848, avant qu'ait été connue l'existence du décret. Même chose en Guadeloupe où le gouverneur abolit l'esclavage dès le 27 mai 1848 pour éteindre l'insurrection.
En Guyane, la liberté entre en application le 10 août 1848 conformément au délai prévu. À la Réunion, plus éloignée de la métropole, il prend officiellement effet le 20 décembre 1848 mais dans les faits, à cette date, l'esclavage n'existe déjà plus dans l'île.
Conformément au décret de Schoelcher, les planteurs reçoivent une indemnité forfaitaire. Ils tentent aussi de reprendre la main en sanctionnant le «vagabondage» dans les îles à sucre : c'est une façon d'obliger les anciens esclaves à souscrire des contrats de travail. L'abolition dément les sombres prophéties des planteurs. Elle se traduit par un regain de l'activité économique dans les colonies.
Victor Schoelcher va militer avec moins de succès contre la peine de mort. Exilé en Angleterre sous le Second Empire (*), il est élu député de la Martinique à l'avènement de la République puis devient sénateur inamovible jusqu'à sa mort, le 26 décembre 1893.
En reconnaissance de son civisme, la République a transféré ses cendres au Panthéon -
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jpl (04-05-2008 14:39:58)
Pauline (14-05-2006 12:56:05)
adrien (10-05-2006 15:09:42)
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